journal d'un déconfiné 9
La chronique de Mister Phil Good. 9
Accueillez, accueillons. L’économie à cueillir.
J’espère que vous vous en sortez avec ce cheminement entre confinement et déconfinement, des termes entrés par effraction dans notre vocabulaire quotidien. Il ne manque plus que le virus reparte pour que nous reconfinions avant de re-déconfiner. On se lasse à la longue de ce jargon à l’image des couleurs attribuées aux départements. Vert, orange, rouge. Un feu tricolore qui ne dit pas précisément ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire entre les trois. La Côte d’Or en rouge éprouvait le sentiment d’être condamnée par rapport à d’autres, alors qu'il a été expliqué que le vert permettait la réouverture des parcs publics et une reprise des collèges et lycées plus souple contrairement au rouge. Bref, pas de quoi fouetter un chat. Pire, la couleur rouge, éprouvée comme punitive, présente le risque de freiner les activités économiques locales dont une, essentielle, à nos territoires : le tourisme. Je m’inquiète même que la chose n’ait pas sauté aux yeux des responsables du tourisme de nos pays et qu’aucune anticipation ne soit faite face à l’été tout proche.
Plusieurs raisons plaident en faveur d’une préparation urgente à l’accueil des visiteurs. Les deux premières sont les conséquences directes de la crise sanitaire : des familles venues de la ville et qui ont vécu le confinement à la campagne, ont fait l’expérience directe de la qualité de vie du côté de chez nous, petites villes et communes rurales confondues. Je connais une famille qui se reconnaîtra ici, si elle lit le Châtillonnais et l’Auxois (sinon je vais lui suggérer de prendre un abonnement), qui a quitté Paris le temps du confinement et qui prévoit maintenant son installation définitive chez nous. L’argument suivant est bien plus convaincant encore avec l’arrivée prochaine des vacances d’été. En effet la crise et le chômage partiel qu’elle a engendré, ont considérablement affaibli le portefeuille des ménages. Dans ces conditions, les projets de voyage hors des frontières nationales sont largement compromis. Reste donc la campagne qui tend ses bras à portée des citadins en quête de repos et de séjour à moindre coût. J’ajoute à ces conditions une troisième raison qui se confirme d’année en année : la campagne qui comprend des villes de petite ou moyenne importance et le monde rural sont de plus en plus chéris par les français. Même si les sondages sont toujours discutables, la répétition de ceux-ci à partir de sources différentes doit nous convaincre que nous avons une carte à jouer. Pour mémoire, en octobre 2018 un sondage réalisé par l’IFOP et Familles Rurales, révélait que 81% des français estimaient que la campagne représentait la vie idéale. Bien plus révélateur encore, la tranche des moins de 25 ans éprouvait, toujours selon cette étude, un attrait prononcé pour le monde rural et ce, à hauteur de 60%. Souvenez-vous qu’il y a quelques décennies, les jeunes ruraux ne désiraient qu’une seule chose : vivre et travailler en ville. Le phénomène s’inverse maintenant avec les jeunes urbains qui n’ont de cesse d’invoquer la qualité de vie et l’environnement naturel préservé de la campagne dans leurs projets de vie. En octobre 2019, c’était au tour du Cevipof (le centre de recherches politiques de Sciences Po) et de l’AMF (l’association des Maires de France) d’enfoncer le clou en affirmant que l’absence de services de proximité en milieu rural « ne produit pas de désaffectation pour la campagne ». Enfin, dernier sondage parmi d’autres, celui réalisé en décembre 2019 par l’entreprise Ipsos qui précisait les intentions des habitants des villes dans l’association du lieu d’habitation au bonheur. 44% des interrogés envisageaient possible le bonheur dans une ville petite ou moyenne et 34% dans le rural. On en revient approximativement au 80% des gens des villes qui se projettent sur la campagne. Je résume les opérations effectuées qui ne tiennent qu’à des additions positives : Le covid-19 a provoqué une belle bascule vers des espaces de vie moins contraignant et plus sécurisant. Le pouvoir d’achat en berne ajouté à ce doux rêve de vie à la campagne a fait le reste. Ce qu’il nous reste à faire n’est pas de travailler à l’attractivité de nos territoires, puisqu’elle se fait d’elle-même (on gagne un temps précieux), mais d’ouvrir tous les espaces d’accueil possibles et de servir des menus de séjour dont les composants ne manquent pas dans un parc national.
Dernière précision : Nous sommes encore loin de connaître toutes les initiatives qui se trament depuis quelques années pour attirer de nouvelles populations à la campagne. Parmi celles-ci, je vous donne deux exemples récents qui sont un signe des temps actuels : La première née en 2019 a pour objectif de guider les personnes qui ont un projet de création d’activité ou d’entreprise vers le territoire rural qui leur correspond le mieux : https://www.commune-opportunite.fr/ La seconde, qui est tout récente, est ambitieuse à l’instar de son nom, Back to Earth. Elle se propose de créer une chaîne de reportages sur youtube démontrant tous les possibles en matière de vie et de travail à la campagne, d’où ce nom de « retour à la terre » en anglais dans le texte. J’en profite pour vous inviter à travailler un peu votre anglais, ça peut servir pour accueillir les touristes venus d’ailleurs. Allez, see you soon.*
* A bientôt.
Chronique publiée dans l'hebdomadaire le Châtillonnais et l'Auxois: https://www.lechatillonnaisetlauxois.fr/