Carnets de Champagne-Ardenne
Ardennes
Bienvenue dans les Ardennes. Je vais être obligé de répéter : bienvenue dans les Ardennes. J’insiste parce que le département a mauvaise presse, ce qui fait sortir le Conseil général de ses gonds après un classement par le magazine l’Express en 2008 au 96ème rang des départements où on vit le mieux. Le département qui porte son message en bandeau de son site, « avec vue sur l’avenir », dénonçait les journalistes qui atomisent le département alors qu’ils n’y sont jamais venus. Ils ont tort évidemment pour suivre cette logique d’autant que le TGV met Charleville-Mézières à 1h35 de Paris. Ils ont toutefois raison lorsque l’on sait que ce département est un des rares à voir sa population diminuer progressivement depuis 10 ans et son chômage continuer à frapper sa population. Il faut comme toujours nuancer ces données car la diminution des populations urbaines se fait au profit des zones périurbaines. On préfère majoritairement vivre au vert, alors que le travail se concentre sur les espaces urbains. Avec une population de 284 000 habitants, les Ardennes s’administrent autour de Charleville-Mézières, sa préfecture, suivie de loin par Rethel, Sedan et Vouziers. Economiquement à la peine, le département a des difficultés à se refaire une santé après le déclin de la métallurgie et de l’agriculture (pour cette dernière on recense un peu plus de 3000 exploitations pour 24000 sur l’ensemble de la région Champagne-Ardenne, cela s’expliquant par l’absence d’exploitations viticoles sur son territoire contrairement aux voisins. Restent des entreprises sous-traitantes de la métallurgie en particulier liées au ferroviaire et à l’automobile. D’ailleurs le plus gros employeur départemental demeure PSA dont la fonderie automobile de Villers-Semeuse emploie plus de 2000 personnes. Et il faut ajouter aussi les métiers du bois justifiés par un patrimoine forestier de 152 000 hectares. Je vais peut-être éviter de vous sortir tout de suite, mes marionnettes et son impressionnant festival, Rimbaud et ses semelles de vent, ou le magnifique château fort de Sedan, un des plus gros d’Europe, Sedan, ville natale de Yannick Noah.
Cultures
Ardennes, terre sombre telle l’encre noire des poètes et romanciers. Ce n’est pas Rimbaud qui va ouvrir cette page, mais André Dhotel, écrivain et scénariste qui a longuement traversé le 20ème siècle : il est né avec lui à Attigny en 1900 et s’est éteint 91 ans plus tard en laissant dernière lui une ouvre considérable dont « Le pays où l’on arrive jamais », prix Fémina en 1955. Pas facile de plaider sa cause quand on arrive derrière le duo féroce de Verlaine et Rimbaud et pourtant Dhotel a irrigué la terre ardennaise de son verbe et a influencé les choix littéraires de romanciers eux-mêmes attachés à cette région. Je pense en premier à Franz Bartelt. Son histoire n’est pas banale : né dans l’Eure, il a quatre ans lorsque ses parents, son père est menuisier, s’installent dans les Ardennes. Dhotel sera par la lecture son initiateur. A 16 ans, Franz Bartelt quitte l’école, à moins que ce ne soit l’inverse. Il accumule pendant 4 ans les petits boulots. Publie quelques textes dans des revues confidentielles. Il sera ensuite pendant 15 ans contrôleur dans une fabrique de papier à Givet et le soir il écrit. (Du papier à l’écriture, tout cela semble logique). En 1984, il abandonne son métier, à moins que ce ne soit l’inverse, pour se consacrer à par entière à sa passion. Il se fait journaliste à l’Ardennais et dramaturge pour France Culture. Son premier roman paraît chez Gallimard en 95 sous le titre de « les fiancés du paradis » (c’était son 35ème manuscrit). Depuis une trentaine d’ouvrages (romans, nouvelles, chroniques) ont été publiés. Il y a du roman noir, du vécu et une part d’irrationnel. Il y a de l’humour grinçant (peut-être humour noir aussi) avec « Terrine Rimbaud ». Par la même occasion, pour demeurer dans la même couleur noire, depuis 2002 existent les éditions Noires terres qui proposent de « beaux livres à caractère régional » selon la formule invoquée par Christian pour nous parler du travail de Jean-Marie Lecomte, éditeur à Louvergny. Un site donne un aperçu des publications : www.noires-terres.com.
Même si son siège est à Reims le « facteur théâtre » est une compagnie très originale. Créée en 92, ce facteur théâtre fonctionne comme une troupe à part entière depuis 4 ans. Son objet principal est le texte et donc le spectacle. Défendre des auteurs dramatiques et développer la connaissance de cet art originellement populaire. Tous les moyens sont bons pour le groupe avec des ateliers de pratiques artistiques, des ateliers d’écriture, des formations professionnelles, des événements ou encore l’édition de livres. Le facteur, qui porte bien son nom, colporte sa parole et son travail aussi bien dans les théâtres, que la rue, les hôpitaux, les prisons et bien sûr les écoles. Il est également à l’initiative d’un événement qui porte le drôle de nom d’été en automne : ETE,les écrivains du théâtre en errance. www.lefacteurtheatre.com
Il s’appelle le cabaret vert et s’inscrit depuis 2005 en plein cœur de Charleville-Mézières. Organisé par l’association Flap, leader dans l’animation musicale en région (Flap est entre autres l’antenne régionale des découvertes du printemps de Bourges), le Cabaret vert, comme son l’indique, est écologiquement engagé. Vous allez penser à juste titre que cela devient une manie, mais pas toujours une référence bien assimilée. Vous aurez raison et c’est pourquoi ce rendez-vous qui dure trois jours veut aller jusqu’au bout du processus écologiquement responsable. Le site du Cabaret vert en donne un aperçu en, précisant par deux lignes percutantes sa philosophie : « Hors des entiers battus, écolo, alternatif, adversaire de la malbouffe et de la mauvaise bière, le Cabaret vert est l’événement du nord est de la France avant la rentrée des classes ». ça communique sérieux là-bas. En vérité, tout est pensé : des poubelles de tri sélectif, des gobelets plastiques recyclés en Allemagne aux cantines qui ne sont fournies qu’en produits locaux biologiques et auprès desquels chacun est appelé à faire sa propre vaisselle. Il faut suivre la pancarte self vaisselle qui vous conduira à faire la plonge ! Mais le cabaret vert, ce n’est pas qu’une série de scènes musicales, puisque ses espaces se partagent aussi entre une scène des arts de la rue, un chapiteau de projection de courts-métrages et un espace BD. Le tout est réuni au sein d’un village associatif qui a rassemblé tout ce qui pouvait bouger dans la culture alternative : 200 partenaires publics et privés, 700 bénévoles et surtout 45 000 spectateurs www.cabaretvert.com
L’ensam, école nationale supérieure des arts de la marionnette, seule école en France de ce genre. Tous les 3 ans, 12 élèves entrent dans cet institut afin de suivre une formation complète. Cet art modernisé nécessite de former maintenant des acteurs marionnettistes d’où la polyvalence du programme de formation : arts plastiques, corps, dramaturgie, interprétation, voix sans oublier les disciplines voisines que sont la danse, le mime et aujourd’hui la vidéo et les nouvelles technologies. Certains auteurs contemporains commencent à écrire pour cette discipline. C’est le cas de Philippe Minyana qui a composé une pièce pour les élèves de l’école. En outre l’institut organise des stages d’été et possède un centre de recherches et de documentation. L’institut international de la marionnette est 7 place Winston Churchill à Charleville (08000). http://www.marionnette.com/
Economie
Ilard : Informatique libre en Ardenne. Son objectif est, depuis 3 ans qu’elle existe, de promouvoir les logiciels et ressources numériques libres. Au vu de son nombre croissant d’adhérents, ce qui en fait une des structures les plus dynamiques après les régions Nord et parisienne, Ilard a multiplié les rendez-vous comme les réunions de formations auprès des associations et des entreprises sur le principe du système Linux et les logiciels libres. Depuis décembre Ilard a embauché un permanent tout en restant financièrement autonome puisque l’association ne reçoit aucune subvention. Mais surtout Ilard, « dans un contexte d’austérité budgétaire annoncé dans un département qui manque cruellement d’emplois », a pour projet global, (je cite toujours Guillaume), de développer une activité économique alternative en revalorisant le vieux parc informatique à destinations des écoles, des associatifs et des personnes à revenus modestes. Notre correspondant ne cache pas ses ambitions de créer des postes rémunérés supplémentaires de techniciens. Pour ce faire connaître et surtout obtenir un agrément en tant qu’organisme de formation, l’association a inventé « Libre en fête » en mars dernier avec ce qu’elle appelle des install party, des expositions, animations radio et conférences. Elle avait d’ailleurs invités tous les élus qui se sont abstenus à 100%, constate Guillaume (« probable effet de mode du moment »). Pour soutenir ces actions libres et intelligentes, l’adresse est www.ilard.fr
La libération du marché de l’électricité suscite des initiatives parfois discutables et à d’autres moments plus respectables. Enercoop en est l’illustration puisque cette coopérative nationale dont l’antenne ardennaise créée en 2008 est une des premières en France à produire et redistribuer localement de l’énergie verte. Les membres d’Enercoop Ardennes sont des particuliers, des coopératives, des associations et des collectivités locales dont deux communautés de commune des Crêtes ardennaises et de Meuse et Semoy, soit 35 000 habitants. Hydraulique, solaire, éolien et biomasse sont les principales sources de productions qui permettent à 4500 foyers de se nourrir à cette énergie verte produite localement. La particularité ici pour ceux qui décident d’être sociétaires du collectif est de les rendre propriétaires des sources de production et aux adhérents de bénéficier d’une énergie qui ne sort pas du réseau local. Là où des doutes persistent, c’est sur le coût de cette énergie parallèle supérieure au prix du marché, même si les augmentations des factures d’électricité et de gaz réduisent les écarts. Il n’empêche que la différence se traduira à la longue par une consommation plus régulée et plus citoyenne. D’autre part ce type de production et de consommation locales à partir d’énergies renouvelables entre dans les actes du livre blanc sur les énergies renouvelables de la commission européenne. Concernant l’électricité, une directive européenne prévoyait la consommation à 21% en 2010. La France est encore loin du compte. Et merci à Perrine qui est à l’origine de cette information. www.enercoop-ardennes.fr
Merci Jeanne pour cette lettre qui nous informe de l’existence d’un centre de recherche et de formation en éco-éthologie. Les étudiants et doctorants, écrit-elle, suivent la recherche sur le comportement d’animaux typiques des campagnes françaises : blaireau, renard, furet ou hérisson. (j’ai un faible pour ce dernier). Ici l’éco-éthologie consiste à étudier la relation que l’animal entretient avec son environnement, les techniques de pointe utilisées sont plutôt variées et les recherches du centre participent évidemment à la protection des espèces et à la création de programmes de sauvegarde. Perdu au milieu de la campagne ardennaise, ce centre baptisé 2C2A-cerfe (CERFE= Centre de Recherche et de Formation en Eco-éthologie) a été créé en 1999 et est soutenu par la communauté de communes de l’Argonne ardennaise (d’où 2C et 2A). Le site du centre donne de nombreuses informations et présente une rubrique « que sont-ils devenus,) consacrée aux étudiants des précédentes promotions. Il est intéressant de noter que tous ont trouvé des emplois divers en France ou en Outre mer. L’un travaille à la sauvegarde de la faune en Guyane, un autre est chargé de communication d’une zone naturelle ou encore un autre dirige une ferme pédagogique sans oublier ceux qui ont intégré des unités de recherche au CNRS. www.cerfe.com
Une note sur Sedan avec un bel acteur culturel et social : la MJC Calonne. Depuis 27 ans, cette maison dynamise le centre-ville avec un spectacle par semaine privilégiant les arts vivants, des festivals ou journées événementielles comme le 4 juin la soirée baptisée le peuple de l’herbe qui correspondant à une mosaïque de musiques contemporaines, hip hop, électro, house ou drumandbass et surtout la MJC Calonne a depuis très longtemps une vocation de centre de formation. Les modules proposés sont très variés : stages d’insertion pour les 16-18 ans, stages métiers du bâtiment, plan local d’insertion professionnelle des femmes et différents stages de contrats aidés qui se partagent à 50% en vague de formation et 50% en travail en entreprise. Evidemment la maison ne gère pas seule ces programmes mais est entourée d’un maillage de partenaires sociaux, institutionnels et associatifs. C’est de très haut calibre : www.mjc-calonne.com