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06 Mar

L'action culturelle, une (R)évolution sociétale. Part.1

Publié par Philippe BERTRAND  - Catégories :  #Culture

C'est un long cheminement qui m'amène à poser les fondements de l'action culturelle et de ses conséquences sur la vie d'un territoire, son organisation et même sur son économie. La culture à travers les propositions qu'elle est capable de faire implique trois facteurs: une demande (elle est très discutable) ou plus prosaïquement un besoin, un producteur ou créateur et un public. Le tout est indexé dans un programme qui lui-même est rendu praticable par un investissement (temps, lieu et financement). De ce principe émanent des questions régulièrement énoncées et débattues. 1) la culture n'est pas équitablement partagée. 2) Elle nécessite des moyens conséquents pour un bénéfice difficilement quantifiable.

Sur le premier point qui fait ressortir la notion de demande, j'ai envie de dire que celle-ci est à reconsidérer. Qui exige plus de culture, sinon celui qui en est déjà consommateur? D'où l'idée communément partagée que la culture, sans être nécessairement élitiste, nourrira d'abord celui qui s'en réclame. Prenons alors la culture non pas sous la forme d'une demande mais d'un besoin. Qui, à nouveau, peut nier sa nécessité à une époque où les informations circulent plus vite que l'air (même en période de tempête) ? Comment exiger d'une école une formation adéquate si on lui retranche la culture et les arts? Certes, je brasse des évidences, mais il est parfois utile de les réactiver. Reste la seconde question de la diffusion et de la pratique culturelle. Là encore une réponse s'impose par une volonté politique et l'assurance de soutenir matériellement cette implication. Il n'en demeure pas moins que l'art et la culture ont un coût et que ce coût doit être associé à  des effets. Une institution, un collectivité, un groupement entrepreneurial prendront des engagements à la mesure des intérêts qui en découleront. On voit péniblement une collectivité locale soutenir une action culturelle sur son territoire pour le seul principe du plaisir partagé. Elle aura tort malgré tout, car en restant sur cette formulation simple de "plaisir partagé", nous affichons une autre réalité du champ social que chacun reprend à son compte: le vivre ensemble. Voilà que nous avançons: l'art et la culture sont une nécessité car ils répondent à un besoin légitimé par notre mode de vie et ils participent à un ciment social  qui  est au fondement de la démocratie. ça fait du bien par où ça passe.

Ce que nous appelons "révolution sociétale" ne correspond pas une mutation spontanée de la société, mais à une lente évolution de multiples facteurs. Le temps de travail a contribué à ce dispositif,  l'ère d'une société post-industrielle également,  des aménagements de territoires aussi et enfin un mode de consommation qui s'est largement transformé.
On ne manque pas d'exemples de friches industrielles réhabilitées en champs de nouvelles pratiques culturelles ni de réseaux culturels implantés dans des territoires ruraux longtemps éloignés de l'offre culturelle. On commence également à comptabiliser les initiatives coordonnées par les collectivités d'événements culturels et artistiques sur leur territoire qui s'inscrivent dans des programmes de développement touristique durable.


La volonté politique est le principal facteur de mise en route du processus de développement culturel. Or cette disposition fait l'objet d'un contentieux incarné par les déficits publics. Pour mémoire, le président de la République avait invité le 28 janvier 2010 les élus à assister à une conférence nationale sur ces déficits publics. Comme toujours les représentants des collectivités présents ont eu droit à quelques remontrances et mises en garde avec à la clé la recherche du coupable: l'Etat, la région ou le département? En pleine crise, qui n'est toujours pas résorbée, la dette de l'Etat s'élevait au 3ème trimestre 2009 ( chiffres INSEE) à 1269 milliards d'euros, soit 87 % de la dette publique, la sécurité sociale affichant un "trou" de 48 milliards (3,5%) et les collectivités locales un déficit de 141 milliards (moins de 10%). Fort de ce bilan le président de l' Assemblée des départements de France s'est refusé à participer à la conférence nationale en arguant que les dettes des collectivités étaient des emprunts réalisés pour les investissements en respectant l'obligation légale d'équilibre et que l'endettement de l'Etat ne s'était jamais constitué sur le compte des collectivités. Parmi les notions contestées il y a la rémunération des personnels dont l'évolution aurait percé le plafond des dépenses. Or la cour des comptes reconnaissait dans son rapport sur les "effectifs de l'Etat  1980-2008", que "la croissance des effectifs a été mieux maîtrisée par les départements". Dommage, Philippe Seguin n'est plus là.

Mais tout espoir n'est pas perdu. J'en reviens à la problématique de la culture qui peut dans un climat  financièrement tempéré souffrir des baisses de température. Aucune analyse précise ne stipule les bénéfices des actions culturelles quelles qu'elles soient et où qu'elles soient. Heureusement la lettre du cadre territorial, dont je vous recommande la lecture malgré l'austérité de son titre, donne plus à manger qu'il n'y paraît. Bien que celle-ci n'établisse aucun bilan des engagements culturels ici ou là, elle développe des questions de fond telle celle des politiques culturelles locales dans le cadre d'une après réforme territoriale. Evidemment le doute plane à longueur de page. Un repli de l'action culturelle est tout à fait plausible "pour cause d'asphyxie financière".
Si espoir il y a, il est à chercher du côté de la nouvelle mission lancée par le Ministère de la culture qui, lors du conseil des collectivités pour le développement culturel, a affirmé son souhait d'établir "un état des lieux et de proposer une nouvelle carte de l'action commune, où la notion des territoires serait centrale, la spécificité de chacun d'entre eux ayant vocation de donner lieu à un partenariat adéquat". Des pistes sont ouvertes concernant les enseignements spécialisés, l'impact du numérique sur la vie quotidienne, le développement des musiques actuelles en région et la dimension culturelle du développement durable à travers le patrimoine, l'architecture et la diversité culturelle. A ce sujet la lettre du cadre territorial émet des réserves liées à l'après réforme dont nous avons déjà parlée, à savoir que les modalités d'exercice vont changer de forme avec un épuisement des partenariats Etat-Région ou Etat-Département. Seule une pratique de financement croisé entre les collectivités territoriales permettra d'assumer les projets culturels.. Seulement les partenariats entre départements sont rares à l'exception de quelques cas comme l'assemblée des Pays de Savoie avec l'Orchestre de Pays, le festival Automne en Normandie qui regroupe la Seine Maritime, l'Eure et la Haute-Bormandie ou plus exceptionnel encore un lien interrégional telle la plateforme Grand Est Spectacle Vivant avec ses 5 Conseils régionaux.
http://www.lettreducadre.fr
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