La générosité au service de l'intelligence (et inversement)
Robert Chiron préside l’association Bolivia Inti Sud Soleil à La Chapelle sur Erdre en Loire Atlantique. En été 99 deux couples amis français et latino américains effectuent un séjour touristique en Amérique du Sud. Les voyageurs pas tout à fait ordinaires, dont Robert, prennent conscience des bénéfices potentiels du soleil sur des populations qui vivent dans des conditions très précaires. Les voyageurs sont frappés entre autres par la pénibilité des charges assumées par des femmes contraintes de trouver quelques rares morceaux de bois pour cuire les aliments. L’hygiène est elle-même réduite en l’absence d’eau chaude. « Le constat que nous avons établi dépasse largement l’Amérique latine, puisqu’il y a à peu près trois milliards d’humains dans le monde qui, pour faire la cuisine, n’ont que le bois et les bouses de vache. La majorité de ces personnes vit dans les pays de l’hémisphère sud qui sont les pays du soleil. Autrement dit ces pauvres sont riches en soleil et nous avons utilisé l’équation suivante : pour faire de la cuisine, servez-vous du soleil. Il faut souligner qu’une partie du monde est gagnée par la famine énergétique, c’est-à-dire que pour ces gens le combustible de cuisson est très cher ou très rare. Deux seuls modes de vie existent: soit vous habitez à la campagne et il y a pour les femmes la corvée de bois, qu’elles appellent la corvée d’esclavage, ce qui veut dire parcourir 10 ou 20 kilomètres pour porter une vingtaine de kilos de bois sur le dos. Ensuite il s’agit pour elles de faire la cuisine dans des maisons sans cheminée, où l’air est irrespirable et où se développent les maladies respiratoires. Soit vous habitez un bidonville et vous êtes obligés d’acheter le combustible, bois, charbon ou gaz, mais cela va coûter en moyenne le tiers du revenu familial ». Devant le malaise provoqué par ces situations, les premières actions mises au point par Robert et ses proches vont prendre forme très rapidement. L’association va enregistrer plusieurs centaines d’adhésions et un premier four solaire sera installé au Pérou avant que n’ait lieu l’année suivante l’installation de panneaux solaires en Bolivie. En 2000 avec le soutien de l’Ambassade de France au Pérou est mis en place un système de cuiseur par énergie solaire. 77 cuiseurs sont construits et des stages de formation sont dispensés auprès de la population locale. En 2001 Bolivia Inti organise une fête de la solidarité à la Chapelle sur Erdre et réunit plus de 1200 personnes. A partir de cette année-là seront organisés chaque année des stages théoriques sur l’énergie solaire. En parallèle une équipe est créée au Pérou pour animer des campagnes de construction de fours solaires. Plus de 700 seront construits en 2002. En 2003 est créé le pôle ‘Sud Soleil’ en France dont la finalité est de devenir un centre de ressources et d’échanges sur la cuisson solaire. Aujourd’hui des équipes de formation et de construction autonomes sont réparties sur les deux territoires bolivien et péruvien. A la Chapelle, les constructions de cuiseurs se poursuivent avec des embauches d’artisans locaux. Quand on sait que ces outils simples permettent à des populations de cuisiner et de fabriquer facilement sans accident et à coût zéro, on comprend que les principes lancés par Bolivia Inti s’adaptent à tous les pays dits en voie de développement et écrasés par la chaleur…. « Un four solaire, c’est une caisse en bois bien isolée avec deux vitres pour laisser passer le soleil et un réflecteur pour renvoyer les rayons lumineux vers l’intérieur. Dans cette caisse la température va monter jusqu’à 160 degrés. C’est juste un travail de menuiserie ou d’artisan de village et quand nous sommes par exemple dans les Andes, nous faisons construire les fours directement par les familles à partir des seuls matériaux locaux. C’est ainsi que nous formons au fur et à mesure des équipes qui enseignent et qui fabriquent des kits en ville et les transportent ensuite dans les villages. Ce sont d’ailleurs les femmes qui, la plupart du temps, assemblent les kits. L’autre procédé est celui de la parabole solaire, sorte de parapluie réfléchissant, qui concentre la lumière sur un récipient qui est placé au milieu. Tous ces outils que l’on peut confectionner dans nos pays amis, sont également fabriqués en France. En l’occurrence nous faisons travailler à Nantes un chantier d’insertion, Atao, et nous joignons un geste de solidarité ici en France à l’utilisation de l’énergie solaire ». A ce jour Bolivia-Inti-Sud Soleil, selon le nom définitif adopté en 2006 compte environ 3000 membres dont des membres relais chargés de diffuser l’information sur la cuisson écologique. Ces relais sont dorénavant répartis sur la majeure partie de notre territoire et en 5 ans pas moins de 1400 personnes ont suivi des séances d’initiation. Afin de répondre aux besoins des autres pays du sud, des équipes françaises ouvrent désormais des thématiques de stages consacrés à la cuisson en Afrique. La toile s’est étendue en quelques années et les actions éducatives ont considérablement augmenté en 2007 dans les centres de loisirs, les écoles primaires, les collèges, lycées et universités. D’un premier voyage banalement touristique est né un réseau novateur qui obtient le soutien de partenaires privés comme publics à l’image de la région des Pays de Loire ou du Ministère des Affaires Etrangères. Et Robert Chiron de conclure « aider les gens avec un peu de cœur et un rayon de soleil, c’est une idée simple qui utilise des outils simples et dont on voit le bénéfice immédiat ».
Photo extraite du site de Boliviainti: link