Les jeûnes, la "Banlieue", la ville et même la province.
Au début de ce splendide mois de mai qui prolongeait les assauts hivernaux des mois précédents, j'ai eu le plaisir de retourner à Saint-Jean d'Angély, commune du pays du Cognac dont la réputation et la garantie économique tinrent longtemps aux produits alcoolisés. Récession, concurrence ont eu raison de cette production locale enrichissante au point de laisser Saint-Jean empierré dans son patrimoine charmant mais désolé. Jocelyne et Jean-Michel Marquebielle sont quasiment de parfaits néo-ruraux qui, après une dernière activité professionnelle parisienne, ont réinvesti des lieux qui étaient proches de l'histoire familiale de Jean-Michel. Animateurs jadis du livre et de sa diffusion dans le grand labyrinthe germanopratin, ils ont conservé ce pieux espoir de donner un asile au livre là où il n'existait pas: à Saint-Jean d'Angély. Si leur pari est en passe de réussir, il est assez inquiétant d'écouter la parole de certains conseillers communaux qui, au lieu de partage culturel, s'enferment dans un discours sécuritaire vengeur. Faut dire que passés 22 heures Saint-Jean comme toutes les bourgades provinciales, est résolument désincarnée mise à part quelques chats miaulant refuge ou pitence au milieu d'une rue. Convié à un déjeuner avec pour voisin un conseiller municipal dont la conversation avec la bibliothécaire locale tournait au vinaigre, je suis interpellé par ce même conseiller sur la déshérence des villes perturbées la nuit par des jeunes agitateurs, prédateurs de la tranquillité ancestrale. "Mon rétroviseur" gauche a été arraché "m'avoue-t-il dans un élan de désolation. Sur ce fait, le tout aussi brave garagiste de quartier, lui signifia qu'il venait de remplacer le rétroviseur opposé, droit, sur une autre voiture de même marque. Pas de doute une terrible bande dépouillait les Passat Volkswagen dans le but inavoué de reconstituer une carriole entière. Fort heureusement, rétorqua mon vis-à-vis, la commune va implanter un réseau de caméras de surveillance. Pour l'instant, seul un panneau indique la présence d'un système de vidéo-surveillance, car le montage très onéreux freine sa mise en service. Pris d'une soudaine envie de dire à un crétin tout le bien que je pense du crétinisme, je tentais de lui expliquer que la meilleure façon de se mettre à dos les jeunes, était de leur infliger la surveillance, la délation sur image et la menace de la garde à vue, alors que pour moins d'investissements sans doute, une proposition culturelle et/ou de loisir renforcerait le lien et donnerait à cette population un sentiment d'existence et surtout une raison supplémentaire d'être dans la ville stigmatisée par quelques gendarmes municipaux comme une future banlieue karchérisable. Je souhaite en tout cas que ma bibliothécaire ne perde pas les derniers agréments municipaux pour garnir des étagères que jamais les jeunes de Saint-Jean ne fréquenteront, préférant se venger du désert ambiant sur le rétroviseur de papa.