Mes Carnets de Campagne
C'est décidé. Après mûre réflexion je vous propose un espace d'observation, d'analyse, de commentaire et de débat qui prolonge les carnets de campagne diffusés sur France Inter. Ce sont "Mes Carnets" car ils sont plus personnels, plus incisifs et prennent appui sur une attache que je conserve avec un territoire qui m'a vu naître.
Aignay-Le-Duc, nord de la Côte d'Or et donc de la région Bourgogne. Nous avons tous en nous quelque soit notre provenance, une terre nourricière, originelle, réelle ou rêvée. Nous portons tous en nous le paradigme des origines et de la terre mère. "Gaïa" effective ou virtuelle, fantasmée ou inconnue, ignorée ou éprouvée. La mienne est inscrite sur ce morceau de carte de France. Finalement c'est d'elle d'où tout part et vers elle que tout revient. Un point minuscule sur le corpus mondial des vies,des ruralités et des urbanités.
Aujourd'hui Aignay-le-Duc, mon village, ne compte plus que 330 habitants soit une perte de 100 personnes en l'espace de 20 ans. Symbole des métamorphoses que l'espace rural a subi depuis les années glorieuses. Une terre très agricole, au contraire du sud viticole du département si réputé , et entamée par les politiques agricoles européennes. Le dernier exploitant agricole va bientôt raccrocher, alors qu'ils étaient une dizaine à exercer en 1970. Progressivement ils ont transféré leurs activités d'éleveurs vers la production de céréales. De remembrements en quotas, les quelques survivants de l'économie de marché ont regroupés leurs espaces afin de demeurer compétitifs. Il ne s'agit que d'un exemple parmi des milliers d'autres. Puis, le long processus de raréfaction des services s'est mis en place. J'ai vécu les deux par intermittence lors de mes venues très comptées à une époque sur cette terre. J'aurais pu m'en éloigner définitivement si le destin de la vie ne m'avait rattrapé. A le fuir, vous retournez inéluctablement dans ses bras. Mes parents reposent éternellement ici-même. Reste une maison qui m'a vu quasiment naître, grandir, progresser, puis prendre des distances avant ce retour.
J'ai toujours rêvé que mon village serait le plus beaux de tous. Il l'est évidemment. En réalité il possède son cachet, ses vieilles pîerres qui parlent et j'y ai des souvenirs qui ne cessent de s'agiter lorsque j'y pose les pieds. Toutefois le monde a suffisamment changé pour que les quelques jeunes du lieu vivent une déshérence comparable à celle qui condamnent la plupart des jeunes de banlieue. La moyenne d'âge de la population se ressent du départ progressif de cette jeunesse vers des ailleurs moins fermés.
Mes Carnets de Campagne partent donc de ce constat et prennent appui sur quelques tentatives qui, ici, en Côte d'Or, voudraient limiter l'abandon dont souffre cette campagne. Honnêtement ces efforts sont timides après plusieurs décennies de gestion molle, insignifiante voire parfois hélas intéressée mais très mal orientée.
Beaucoup de microcosmes sont voués à l'échec et à la disparition, alors qu'une première réalité saute aux yeux: ces lieux sont ouverts aux bonnes volontés et aux expériences nouvelles. Elles possèdent un patrimoine paysager exceptionnel et un fond architectural très enviable.
Certes l'avenir passera par une économie de service à l'image de l'essor de celle-ci partout en France, mais aussi par une valorisation de ce patrimoine naturel et historique. Personne ne contestera que ces campagnes peuvent devenir de modestes mais réels espaces de ressourcement, des niches écologiques et des zones d'application idéale du développement durable.
Philippe Bertrand. le 16 octobre 2009.