Un parc national, pour quoi faire?
Depuis peu le très bel ensemble forestier, riche de 80 000 hectares en zone nord de la Côte d'or et sud de la Haute-Marne, bénéficie du label de Parc naturel National. Je prends évidemment cet exemple par affinité affective même si deux autres ensembles naturels viennent d'obtenir le même sésame. Un sésame justifié puisque ces territoires s'ajoutent à une liste prestigieuse qui comprend le superbe Parc des Ecrins ou le très exotique Parc de la Guadeloupe. En terre bourguignonne, les élus ont applaudi à tout rompre cette entrée inespérée dans la sphère des nominés. Le problème est ensuite: on en fait quoi? ça mérite une petite leçon de choses et un rappel de la charte des parcs. Première évidence qui laisse planer une ambiguité, le site doit bénéficier d'une totale protection. Dans notre cas, la protection est indéniable vu la désaffection du public local pour son patrimoine forestier et naturel. Même si je force le trait, la clause de la protection peut être une fâcheuse invitation à ne rien faire. On n'y touche pas et donc on la protège. Hier sera demain. Hormis les groupes de chasse, les quelques derniers acteurs de l'économie du bois et la discutable gestion du patrimoine par l'Office national des Forêts, peu de changements s'annoncent à l'horizon. Petite parenthèse sur l'ONF et ses services indispensables: le constat troublant est que l'Office ne doit sa survie dans l'espace forestier public qu'à la vente du bois qu'il effectue chaque année. Celle-ci représente un tiers de sa trésorerie et sans cet apport, nos surveillants des bons feuillus seraient aussi rares que les girolles au mois de septembre. Les précisions apportées par la charte des parcs sont essentielles pour clarifier le sens de la "protection". Elle "sera d'autant plus efficace et durable que les acteurs se l'approprient, et que les politiques de développement et les activités menées autour du coeur du Parc la favorisent". Le texte ajoute encore que le projet qui doit être partagé par tous, tient aux "solidarités écologiques et sociales entre le coeur protégé et sa région environnante". Autrement dit l'établissement public du parc devra avant tout travailler en partenariat indéfectible avec l'ensemble des chefs des communes. Version mousquetaire du tous pour un et un pour tous, aucune commune ne peut imaginer bénéficier d'intérêt particulier. Les brebis gâleuses ont le droit de ne pas adhérer à la charte. Les exigences de la charte, variables d'un site à l'autre, sont pour les principales, transversales: une politique rigoureuse en matière d'urbanisme, de circulation et de publicité. Ensuite des programmes de développement sont à définir dans le cadre de la valorisation du monument naturel. Ils peuvent passer par un tourisme durable. Trois Parcs nationaux ont signé la Charte Européenne du Tourisme durable: Mercantour, Cévennes et Guadeloupe. Il est durable car soucieux du patrimoine naturel et culturel. Il est viable économiquement sur le long terme et il répartit équitablement les retombées économiques. Un autre développement qui semble indiscutable passe par une éducation à l'environnement. Cette mission touche en premier lieu le jeune public. Plusieurs Parcs ont édifié un programme éducatif de qualité avec animations, opérations découvertes et cahiers pédagogiques. Les engagements étant de longue durée, 15 ans au minimum, les générations futures sont les principales cibles à mobiliser par la sensibilsation et les actions pédagogiques. Le Parc national des Pyrénées a signé une convention avec l'Inspection Académique et les enseignants en poste. Il s'agit entre autres de former les enseignants auprès des agents du Parc afin de connaître le terrain, les richesses du patrimoine et d'évaluer les sujets en relation avec le programme scolaire. Il va de soi encore que par cette émarche pédagogique, les enfants sont les porteurs de valeurs auprès des parents et des adultes.
Dans les nombreux avantages du Parc, qui en font aussi des difficultés de gestion, il y a un tourisme équilibré, responsable et dispersé. Aucune perspective de fréquentation massive n'est envisageable et cette règle nécessite qu'une cartographie de l'accueil potentiel soit élaborée et mise en adéquation avec les missions du Parc. Il s'agit donc ici d'une économie verte étalée et partagée par l'ensemble des acteurs de l'aire d'adhésion à la charte initiale.