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11 May

Journal d'un déconfiné. 5

Publié par Philippe BERTRAND  - Catégories :  #Journal d"'un déconfiné

Chronique de Mister Phil Good 5

 

La société sur 3 pattes

 

On commence par une devinette. Dans la mythologie grecque, il est dit que le Sphinx soumit à Œdipe une énigme devenue célèbre : « quel être a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi et enfin 3 jambes le soir ? ». Réponse : l’Homme

Au matin de sa vie, l’enfant avance sur ses mains et ses pieds. Au mitan de son existence, l’adulte marche sur ses deux jambes et à la fin il s’appuie sur une canne. Comme une table cassée, notre société essaie de tenir l’équilibre sur trois pattes. Trois jambes comme nos aînés qui sont l’objet de nos préoccupations. Nous sommes une population vieillissante : 20% des 67 millions de personnes vivant en France ont plus de 65 ans. Je traduis : 13 millions et demi de personnes appartiennent au 3ème âge. Certains disent 4ème âge en accord avec la hausse de la durée de vie. Peu importe. Nous sommes nombreux à être vieux. Les questions liées à la vieillesse ont toujours préoccupé les élus de proximité. Pour être précis, avec le premier âge, les vieux sont leur deuxième gros dossier. La crise récente, encore une, sur les conditions de vie en EHPAD (établissement d’hébergement pour personne âgée dépendante), a suscité beaucoup d’émois. Pas assez de personnel, des personnes âgées traitées « à la chaîne », parfois lavées une fois par semaine, une administration débordée et une concurrence avec le privé qui prouve qu’on vieillit moins cruellement quand on a les moyens. Bref, il ne fait pas bon vieillir et mourir loin du monde, de ses proches et dans un oubli insupportable.  Vous aurez remarqué qu’il ne fait pas bon mourir, non plus, en ce moment. La crise des EHPAD oubliée ou presque, c’est au tour du coronavirus de nous rappeler que nos aînés sont à nouveau les premières cibles de l’épidémie. Et derechef, de constater que les aides soignants et soignantes ne sont pas ou peu protégées dans ces maisons de fin de vie, encore moins les pensionnaires qui subissent une double peine. Confinés, nos anciens l’étaient déjà. Souvent seuls à leur domicile et dépendants de services extérieurs ou hébergés dans 20 mètres carrés, nos vieux sont doublement confinés. Difficile de leur expliquer que leur confinement qui ne change que très peu de chose par rapport à hier, est nécessaire pour le bien de la société en péril. C’est en quelque sorte le monde à l’envers. La vieille sagesse africaine dont il ferait bon de s’inspirer, tient les vieux pour les sages de la société. Un ancien disparaît et c’est une bibliothèque que l’on perd. C’est une image bien sûr. On n’a pas tous lu Alexandre Dumas. A l’opposé, tout le monde ne s’est pas abonné pendant 40 ans au chasseur français. Je redeviens sérieux : une société qui traite mal ses vieux, perd ses fondamentaux. Elle perd pied comme la table à trois pattes. Les vieux, en fait, sont notre avenir d’une certaine manière. D’abord, rien ne leur interdit d’avoir des projets. Parler de leur vie et transmettre leur expérience est un de leurs soucis si tant est qu’on le leur demande. Ce savoir à l’image des africains est notre boussole pour mieux avancer. Je vous mets au défi d’imaginer, de rêver et d’avoir, vous aussi, des projets, si vous êtes privés de mémoire. Nous devons apprendre à aborder le vieil âge comme le fit un animateur hors pair. Il s’appelait Jean Bojko, comédien, poète, chef d’une compagnie théâtrale de la Nièvre, Jean, décédé il y a peu de temps, avait été diligenté par son département pour changer l’ambiance des maisons de retraite. Pour aborder les anciens, il n’avait qu’une question : « quelle bêtise allons-nous faire ensemble ? ». Le résultat fut des émissions radios enregistrées et animées par les anciens ou encore des expositions photos dans lesquelles les mêmes anciens s’accoutraient de façon amusée en prenant des postures comiques. Des gamins, je vous dis, ces anciens. Tuer l’ennui en s’amusant, voilà la recette que Jean avait su employer pour transformer la dernière ligne droite de la vie. Je connais une association qui s’appelle Haut Parleur et qui propose des animations avec des histoires, des contes, des ateliers mémoire et des programmes radio depuis de nombreuses années dans le but de repousser les effets de la maladie d’Alzheimer. Elle vient de créer une webradio pour les vieux isolés ou en maison de retraite. https://www.voixdor.fr/. Elle n’est pas la seule à prendre les anciens pour des jeunes, mais j’avais envie de vous donner un exemple d’actualité, d’autant que le confinement des anciens et des personnes dites fragiles, va certainement durer longtemps, comme l’a expliqué le président de la République.

Prenez soin de vous.

Philippe Bertrand

Chronique publiée dans l'hebdomadaire Le Châtillonnais et l'Auxois:  https://www.lechatillonnaisetlauxois.fr/

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P
Bonjour Philippe, un seul mot : MERCI ! Je vous écoute sur Inter et j'apprécie vos émissions, vos recherches en économie solidaire...oui, je suis "vieux" (78 ans) et nous avons fait près de 4.000 km en VAE avant confinement avec mon épouse dans l'année. Vous avez entièrement raison : nous avons l'impression qu'à partir de la retraite (à 71 ans dans mon cas) la société nous met de coté ; pire, elle nous culpabilise ! Mon rêve serait d'établir un système sociétal plus équilibré en rendant progressivement un rôle utile* aux personnes âgées qui en ont la possibilité, comme vous le dites si bien...* Utile, voir fondamental par la transmission de l'expérience professionnelle et des choses de la vie ; notamment en ce qui concerne la maturation des enfants, des ados. Reste à imaginer les moyens à mettre en œuvre pour arriver à ce but, les ponts à créer pour relier les différentes tranches d'âge entre elles !?! A bientôt.
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P
Merci Pierre<br />
P
Merci Pierre

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Le complément de l'émission des Carnets de Campagne de France Inter avec son journal régulier des solutions.