Les mains dans la Grèce.
Quinze jours après un passage furtif des Carnets en Grèce, il est intéressant de faire un bilan sur ce pays de la zone euro jadis éclairé par les dieux et peuplé de 11 millions d'habitants. Plusieurs étages de réflexion permettent d'affiner le jugement que l'on peut porter sur ce pays morcelé avec un paquetage de près de 2000 îles et îlots. Ses îles ne sont pas en soi un vrai problème au regard de leur potentiel touristique bien exploité à la haute saison. Elles le sont (un problème) dans la gestion politico-économique car il paraît impossible de maîtriser un chapelet de microcosmes qui s'étend à l'ouest le long des côtes albanaises et à l'est le long des côtes turques. Version continentale, la Grèce présente d'autres aspérités bien plus rugueuses avec des communautés frontalières et particulièrement bulgares très mal venues sur le territoire hellénique. C'est ainsi que ces populations bulgares n'ont pour école que des enseignes turques ouvertes sur l'espace grec, histoire de rappeler que cette étrangeté bulgare est mal acceptée ici. Le même constat vaut pour le voisin macédonien dont l'appellation officielle côté grec est l'ancienne république yougoslave de Macédoine! Plus crucial et cruel en même temps est le fonctionnement de la machine parlementaire. Un président de la république dépourvu de tout pouvoir au contraire du premier ministre et de son gouvernement qui n'en finissent pas de se prendre les pieds dans le tapis étendu par leurs prédécesseurs. La règle du jeu établi de longue date ici est la falsification des chiffres d'une dette devenue un puits sans fond. Ce jeu a toujours prévalu afin de ne pas repousser les nombreux investisseurs étrangers. Sans être un paradis, la Grèce est située dans une zone de stratégie commerciale idéale et possède le premier parc maritime du monde. Donc le prédécesseur de Papandréou, actuel premier ministre, s'est fait fort d'étouffer des incendies économiques virtuels pendant que les feux réels embrasaient le Péloponnèse rural. Trois ans après les ravages, les villages ne sont toujours pas reconstruits. Un autre degré du jeu intérieur grec, sans aucun doute lié à la règle de la falsification, est le système de la débrouille, du marché noir et de la négociation. A la limite de la corruption la démocratie en ressort cabossée avec un sport national exemplaire; le clientélisme. Le principe simple était d'acheter amis, sympathisants et électeurs par une distribution de postes administratifs a volo. L'armée des fonctionnaires grecs est devenue par voie de conséquence une usine à gaz unique en Europe dégoulinant de non experts en surnombre et tous unis par l'inertie. Peut-être un mal radical et plus sombre sous-tend ce triste constat: le patrimoine historique. La terre fondatrice de la démocratie, merveille de patrimoine et berceau de la civilisation européenne, n'est jamais revenue de ce statut historique. La Grèce a porté son antique éclat comme un boulet lui interdisant d'entrer dans la conversion moderne de fonctionnement, endormie sur ses lauriers, belle et vétuste à la fois, héroïque et pathétique. Une dernière note avant d'aller bronzer là-bas, ses jeux olympiques ont creusé davantage le gouffre économique et à cette seule pensée, Nicolas Sarkozy doit se féliciter d'avoir laisser échapper le flambeau de l'olympisme pour nos voisins britanniques tout aussi gangrenés par la crise que les autres.